Depuis avril 2023, le CEE-M est engagé dans la démarche initiée par le « Labo 1.5 » qui consiste à mieux comprendre et réduire l’impact des activités de recherche scientifique sur l’environnement, en particulier sur le climat. Nous avons rencontré l’équipe chargée de mener ce projet à bien. Une interview d’Antoine et Simon permet de connaître plus précisément les motivations et les enjeux liés à ce projet, tandis que Nahomy nous décrit les différentes étapes de la collecte des données.
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Pourquoi s’être engagé dans un bilan GES (Gaz à Effet de Serre) pour le CEE-M ?
Antoine :Tout d’abord, mener ce projet est pour nous en cohérence avec le rôle que nous avons en tant que chercheurs en économie de l’environnement, et, d’une manière plus générale, avec le fait que les agents de la recherche aient une vision de leurs propres émissions, de leur empreinte carbone. Sinon ,nous connaissions la démarche initiée par le Labo 1point5, groupement de recherche fondé en 2019 dont l’objectif est de calculer et réduire l’empreinte carbone de la recherche, mais, le fait que sa fondatrice, Tamara Ben Ari soit sur le site INRAE Montpellier à joué dans le fait que nous nous lancions ce travail d’identification et de calcul des émissions carbone. Son intervention dans le cadre de l’Environmental Economics Seminar du CEE-M en mars a notamment permis de sensibiliser plus largement le collectif du laboratoire sur l’intérêt d’une telle démarche.
Un autre facteur qui a joué est le fait que très peu de laboratoire de recherche en sciences sociales ont réalisé leur bilan GES. Donc il nous a semblé important de contribuer à cette initiative, afin de rejoindre les presque 800 laboratoires qui ont déjà fait cette démarche depuis 2019.
Enfin, cela nous a semblé intéressant pour le CEE–M de prendre en main cet outil (au niveau labo, qui fait sens, où de nombreuses décisions sont prises) et que les chercheurs s’approprient les enjeux pour relever au mieux le défi de la réduction des émissions.
Simon : Plus personnellement, pour Antoine et moi c’est intéressant de savoir concrètement comment ça marche, d’être confronté à des choses qu’on avait jamais faites. De découvrir les défis qui sont liés à cette démarche qui, au final, va conduire à des prises de décision, des actions concrètes visant à réduire les émissions dues à notre activité de recherche.
Quelles données vont être prises en compte ?
Simon Trois gros postes d’émission vont être pris en compte : premièrement la consommation de fluides, l’électricité et le gaz consommés sur les deux sites du CEE-M, le campus de l’institut Agro et celui de la faculté de sciences économiques de Montpellier. Le second poste concerne les déplacements qui sont de deux natures : Les déplacements professionnels des agents, quand ils vont à des conférences, des réunions ou sur le terrain pour récolter des données, et les déplacements domicile travail. Le troisième poste concerne les achats, mais aussi des services (restauration, événements, etc…). On aimerait rajouter un autre poste d’émission qui n’est pas encore intégré à l’outil développé par le Labo 1point5 que nous utilisons, c’est celui de l’alimentation, qui concerne plus spécifiquement les repas des agents le midi.
En quoi l’outil du Labo 1point 5 facilite votre tâche ?
Antoine : Cet outil fournit les facteurs d’émission pour chaque type d’achat et de mission donc toute notre démarche s’en trouve facilitée. Il met aussi à disposition du matériel (types de données à extraire, ainsi qu’une enquête pour les déplacements domicile/travail) vérifié, respectant le RGPD, homogénéisé et simplifié pour être facilement intégrable à l’outil 1point5. Donc on a plus qu’à suivre les recommandations, sauf spécificités pour les universités et les EPIC, qui ont parfois plus de lenteur à adapter leurs outils à la démarche. Après, on peut toujours améliorer la méthode et contribuer en affinant les facteurs d’émission, ce qui représente beaucoup de travail.
Simon : Par exemple pour le point que nous souhaiterions ajouter, concernant l’alimentation, la plus grosse problématique, c’est de trouver les facteurs d’émission pour ces données relatives à l’alimentation, c’est-à-dire quel est l’impact carbone d’un repas à la cantine le midi avec de la viande rouge ? Dans ce cas précis, on va certainement regarder du côté de l’Ademe, qui a une base carbone avec ces chiffres de facteurs d’émission, mais c’est à nous de faire ce travail de recherche ce qui n’est pas le cas pour les autres postes ou c’est déjà pris en compte dans l’outil 1point5. Mais l’esprit collaboratif, c’est un autre aspect intéressant de cet outil : chacun l’utilise, et peut faire part de ses recommandations afin d’initier des modifications qui participeront à l’amélioration de l’outil.
Antoine : Mais en conclusion, on peut dire de c’est un outil validé, rodé, consensuel, opérationnel, qui a été utilisé par un grand nombre de labos.
Quelles seront les contributions des membres du CEE-M durant ce projet ?…
Simon : Tous les membres du CEE-M vont être sollicités par le biais d’une enquête. Cette enquête va nous permettre de récupérer les données relatives aux déplacements domicile/travail, à l’alimentation. Il y aura aussi quelques questions relatives à l’utilisation du numérique (boite mail, renouvellement du matériel informatique).
Sinon c’est surtout le personnel administratif qui est sollicité pour extraire, via leur logiciel de gestion, les données sur la consommation de fluide, les missions et les achats.
… et après les résultats de l’étude ?
Antoine : On va commencer par un travail d’information. Il y aura certainement une restitution lors de l’assemblée générale du CEE-M en novembre. D’autres canaux seront certainement utilisés comme la newsletter, ou le site web du CEE-M. L’idée serait de mettre à disposition le bilan détaillé. Si c’est possible, il serait aussi intéressant de fournir des éléments de comparaison avec d’autres labos en sciences sociales, comme le CESAER par exemple, afin de voir ou l’on se situe en terme d’émissions. Dans un second temps, des outils permettant de limiter nos émissions pourraient être proposés au collectif. On peut imaginer que cela soit fait par le biais d’une deuxième enquête, complété par des discussions formelles ou informelles afin d’appréhender les réticences individuelles ou collectives.
Simon : Et il faut noter aussi qu’il y a des domaines où les laboratoires n’ont pas la main. Comme les cantines par exemple. Donc ça se joue aussi au niveau des tutelles. L’INRAE calcule son bilan GES, c’est un travail qui est fait à leur échelle, mais qui peut être complété, amélioré par ce qui est fait au niveau des laboratoires. C’est bien que les tutelles s’approprient la démarche qui n’est pas en concurrence, mais complémentaire avec celles plus anciennes faites au niveau des labos.
Le CEE-M a décidé de calculer son bilan GES afin de fixer des objectifs de réduction et d’élaborer des stratégies de réduction des impacts environnementaux.
- Contexte
Ce calcul est effectué conjointement par les Unités Mixte de Recherche (UMR) CEE-M et MoISA, qui sont hébergées dans le même bâtiment sur le campus de l’institut AGRO de Montpellier. Il faut aussi savoir que le CEE-M est une UMR localisée sur deux sites distincts (le campus de l’institut Agro et le campus de la faculté de sciences économiques de Montpellier), qui comprend quatre tutelles (CNRS, INRAE, Institut AGRO et l’Université de Montpellier).
- Méthodologie
En premier lieu, il nous faut tout d’abord procéder à une collecte de données pour mesurer l’empreinte carbone du laboratoire. Ces données sont classées en catégories déterminées par LABOS1.5.
Les catégories prisent en compte pour le calcul du bilan GES du CEE-M sont :
- Bâtiments
- Achats
- Matériel informatique
- Missions
- Déplacements domicile-travail
Il m’a donc fallu solliciter les gestionnaires du CEE-M afin de pouvoir récupérer les données relevant des quatre premières catégories. Sachant que les données relatives aux tutelles CNRS et l’UM sont gérées au niveau du campus de la faculté des sciences économiques, alors que celles relatives aux tutelles Supagro et à INRAE sont gérées au niveau du Campus de l’institut AGRO.
Cette collecte des données, ainsi que l’extraction des informations, ont donc été réalisées sur les deux sites géographiques.
Compte tenu de l’utilisation d’outils différents selon la tutelle, les informations extraites sont parfois incomplètes. Donc une fois les données obtenues, il a fallu ensuite nettoyer la base de données et standardiser les informations pour les rendre compatibles avec le format LABOS1.5.
Enfin, pour collecter les données liées aux déplacements, une enquête a été diffusée par mail à tous les membres du CEE-M. Cette enquête a été élaborée sur la base de celle définie par le LABOS1.5
- Type de données
Les informations concernant les bâtiments correspondent aux données liées à la consommation énergétique (électricité et chauffage) du CEE-M. Pour calculer la consommation d’énergie, des données complémentaires sont nécessaires comme la surface brute du bâtiment, la fraction de la surface utilisée par le CEE-M et le type de chauffage.
Les données extraites relatives aux achats concernent l’achat d’équipements (y compris le matériel informatique) et les services. Ce fichier doit inclure le code NACRES, qui est un code d’identification attribué à chaque achat permettant de classer l’activité selon son origine. Lorsque le code n’est pas fourni, il faudra trouver sa propre stratégie de classement.
La collecte des données des missions permet d’obtenir les informations sur les déplacements effectués dans le cadre des missions, tels que séminaires, visites de terrain, conférences, etc. Idéalement, ces données doivent inclure des informations sur la ville de départ et de destination, et le mode de transport (véhicule, train, avion, transports en commun, taxi). Ainsi les données sur la distance parcourue pour chaque mission et celles relatives à la pollution peuvent être mesurées.
Enfin, l’enquête doit permettre de mesurer le type de trajet (aller-retour), le mode de transport (véhicule, moto, vélo, marche) et la fréquence des déplacements entre le domicile et le lieu de travail de tous les membres du CEE-M.
En conclusion, je dirais que bien que la collecte de données puisse représenter un défi par rapport au temps nécessaire pour centraliser l’information, il est satisfaisant de savoir que le travail que nous effectuons contribue à la mission de réduction de l’empreinte carbone de la recherche. Ce travail est une première étape pour identifier la marge d’action du laboratoire et créer des stratégies qui facilitent les calculs futurs.
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