Trois membres du CEE-M sont impliqués dans cette recherche action mené conjointement avec l’ONG WWF France et Eval-Lab, et qui constitue la première étude nationale sur les potagers pédagogiques à l’école primaire.
Pour en savoir plus sur ce projet, et sur les jardins pédagogiques, deux témoignages : celui de Simon Briole, économiste au CEE-M, titulaire de la chaire de professeur junior de l’université de Montpellier et membre de l’équipe recherche du projet Potager pédagogiques, et celui de Caroline Le Roux, professeure des écoles à Montarnaud, impliquée dans le potager pédagogique de son école, et qui a répondu à l’appel lancé auprès des écoles primaires dans le cadre de ce projet.
Entretien avec Simon Briole économiste au CEE-M
- Un appel à projet a été lancé en avril 2024 sur les potagers pédagogiques. Peux-tu revenir sur les objectifs de ce projet ?
Plusieurs études montrent que le développement de la connexion à la nature à un jeune âge est corrélé à de meilleures pratiques environnementales à l’âge adulte. L’objectif de notre projet est d’identifier des solutions permettant de développer le sentiment d’appartenance à la nature dès le plus jeune âge. Les potagers pédagogiques apparaissent comme une solution relativement accessible pour permettre à tous les enfants, quel que soit leur lieu de vie ou leur milieu socioéconomique, d’interagir et de se connecter à la nature grâce à de nombreuses activités pédagogiques et ludiques organisées tout au long de l’année à l’école.
A l’initiative du WWF France, nous souhaitons donc évaluer les effets des potagers pédagogiques sur les pratiques et les perceptions environnementales des élèves, des parents et des enseignant.es, ainsi que sur leur bien-être, afin de conclure sur leur efficacité comme outil actionnable pour les politiques éducatives.
- Quel est l’implication du CEE-M dans ce projet ?
A travers l’implication de ses chercheur·euses (Lisette Ibanez, Sébastien Roussel et moi-même), le CEE-M coordonne une équipe de recherche pluridisciplinaire, composée de spécialistes en environnement, en psychologie cognitive et en économie. Les chercheur·euses contribuent à l’élaboration des questionnaires en sélectionnant des échelles évaluées dans la littérature scientifique, ainsi qu’au design de l’expérimentation. En dehors du CEE-M, l’équipe de recherche est également composée d’Arielle Syssau Vaccarella (Université Paul-Valéry), de Gladys Barragan-Jason (CNRS, SETE) et de Joanna Lucenet (Université de Bordeaux). Tout ce travail est réalisé en collaboration avec Eval-Lab, une entreprise spécialisée dans l’évaluation d’impact de politiques éducatives.
- Aujourd’hui est ce que suffisamment d’écoles se sont manifestées pour pouvoir passer à la phase deux du projet ?
A ce jour, près de 150 écoles primaires ont manifesté leur intérêt pour ce projet. Idéalement, nous souhaiterions en recruter encore plus, afin d’avoir le plus de diversité possible mais aussi de pouvoir mesurer avec précision les effets de notre intervention. Les écoles ont jusqu’au mois de septembre 2024 pour manifester leur intérêt. Si elles souhaitent participer, il suffit de répondre à un court formulaire.
Nous appelons toutes les écoles, qu’elles aient un potager ou non, à participer à cette étude inédite. Nous fournirons d’ailleurs aux écoles des résultats agrégés qui pourront s’insérer dans leur projet pédagogique.
- Si oui que peux tu dire des premiers échanges que vous avez eu avec les directeurs d’écoles ?
Nous ressentons un engouement particulièrement fort pour cette étude. En effet, de nombreuses écoles possèdent des potagers pédagogiques et aimeraient connaître leurs effets sur les élèves. Les communes sont également très intéressées ; à titre d’exemple, la ville de Lunel nous a récemment accueilli pendant une journée afin de visiter quelques écoles et de constater leur utilisation des potagers.
- Quels sont les critères de sélection pour qu’une école soit retenue pour cette étude nationale ?
Il n’existe aucun critère de sélection, si ce n’est qu’il soit d’agir d’écoles primaires. Nous envisageons d’évaluer les effets des potagers pédagogiques sur tous les niveaux, du CP au CM2.
- Cette étude est aussi l’occasion de développer ou dynamiser les jardins pédagogiques, comment comptez-vous accompagner les écoles ?
Dans le cadre de cette recherche-action, nous proposerons à un ensemble d’écoles des idées d’activités en lien avec le projet Ecole Jardinière du WWF France à réaliser avec les élèves tout au long de l’année dans le but de développer ou dynamiser leurs potagers pédagogiques
Questions à Caroline Le Roux, professeure à l’école primaire de Montarnaud (Hérault)
- Comment est né le potager pédagogique à l’école primaire de Montarnaud ?
Dans un premier temps, le jardin a été créé dans les années 2000 et été géré par la maîtresse de la classe ULIS. Puis l’école a subi des travaux en 2012, et ça a été l’occasion d’augmenter la surface de jardin, de l’aménager peu à peu, et de passer à une gestion de collective du potager, partagée par plusieurs classes de l’école. D’autres espaces de l’école sont aussi peu à peu végétalisés à proximité des classes ou dans la cour (petite terrasse, pieds des arbres, jardinières). Arrivant de l’éducation prioritaire où je travaillais avec les Ecologistes de l’Euzières, j’avais à coeur de poursuivre des activités d’apprentissage en lien avec le dehors, la terre, l’eau, les plantes.
- Quelles sont les motivations qui vous ont amené à vous investir dans ce potager pédagogique ?
Aujourd’hui, près de la moitié de l’équipe, soit 9 classes sur 18, propose aux élèves du CP au CM2 des séances de jardinage hebdomadaires, saisonnières ou ponctuelles. Les objectifs sont multiples : savoirs être, savoirs faire et acquisition de connaissances. Ainsi nous visons l’autonomie, la prise d’initiatives, le vivre ensemble, quelques gestes techniques, l’observation de la faune et de la flore, le cycle de vie, les besoins des végétaux, la composition de la terre…. Mais avant tout, il me semble que ce qui est commun à tous les enseignants qui viennent au jardin c’est la reconnexion avec la nature, avec le monde qui nous entoure.
- Quel est le fonctionnement de ce jardin gérés collectivement par plusieurs classes ?
En début d’année, les classes intéressées se répartissent les 9 carrés potagers et les créneaux. On fait l’inventaire des outils. Ensuite chacun gère son année jardinage comme il le souhaite. Chaque élève a sa paire de gants qui figure sur la liste de matériel en début d’année. Un tableau a été installé dans le jardin, ainsi qu’un espace de regroupement avec des palettes de récupération. Nous nous y installons en début et en fin de séance.
Selon les années, nous faisons une commande collective de graines, terreau, outils ou alors nous gérons nos petits achats avec nos coopératives de classe. On peut aussi demander aux familles des restes de sachets de graines, des boutures ou même récupérer des pépins ou noyaux!. Nous avons quelques fois pu faire appel aux jardineries pour des dons mais c’est assez rare. Nous faisons régulièrement appel au lycée agricole de Gignac pour l’achat de plants. Cette année les Sages de la commune nous ont aidés en nous apprenant à faire des boutures et en récupérant du paillage.
Dans les bacs potagers nous trouvons des radis, de la mâche, des épinards, des fraises, des fèves, des petits pois, blettes mais aussi des fleurs. Il y a quelques années, nous avons créé avec la classe de CE1/CM2 une spirale aromatique qui évolue depuis.
Lorsque les plantations fonctionnent, elles finissent dans notre atelier cuisine et cela participe à faire découvrir de nouvelles saveurs! Cette année, nos boutures de romarin et lavande ont permis de végétaliser les jardinières de la bibliothèque et d’ouvrir ainsi un partenariat avec les Sages de la commune.
- Pourquoi avoir répondu à l’appel de ce projet, et qu’en attendez-vous ?
Réfléchir ensemble en croisant d’autres idées, d’autres connaissances, d’autres expériences est toujours une richesse pour confirmer des pratiques, se questionner, se renouveler.